FUSION POWER FOR THE FUTURE
FUSION NUCLEAIRE, NOUVELLE SOURCE D'ENERGIE
Professeur Pierre Mialhe
PROMES-CNRS, équipe ELIAUS, Université de Perpignan Via Domitia, 52 avenue de Villeneuve F-66860
10-12-2011
La fusion de noyaux légers est actuellement expérimentée au niveau recherche et développement avec l'ambition de réaliser une nouvelle source d'énergie propre, renouvelable, inépuisable et abondante:
- une révolution industrielle à laquelle il est important de préparer nos pays
- une approche nouvelle et scientifique des considérations environnementales
- une liberté nouvelle avec la non dépendance énergétique des pays/nations
- un accès égalitaire à l'élément clef de nos modèles économiques basés sur l'accumulation et
la croissance des richesses.
Le scientifique a la responsabilité d'informer le public - puisqu'il finance les travaux de recherche - et aussi les décideurs commerciaux et politiques afin d'apporter des éléments pour les prises de décision. Cet article est écrit avec cette finalité. Il propose un aperçu des travaux de recherche et de quelques résultats concernant le fusion nucléaire considérée comme la future source d'énergie.
Au cours d'une réaction de fusion nucléaire des noyaux entrent en collision et fusionnent en créant un nouveau noyau et une grande quantité d'énergie. Cette réaction a lieu dans le soleil entre noyaux d'hydrogène et l'énergie produite y maintient la température à une valeur voisine de 15 millions de degrés, la matière est alors sous forme de plasma. Les contraintes de hautes températures et de forte gravitation dans le soleil, permettent aux noyaux de fusionner dans ce plasma au cœur du soleil. La température à la surface du soleil est voisine de 5750 Kelvin. Il rayonne. La puissance rayonnée par le soleil est telle qu'en vingt minutes il distribue sur la terre une énergie égale à la consommation mondiale* d'énergie en une année: 108 GWh. Variable le long d'une journée et au cours d'une année, cette énergie est difficile à utiliser pour les besoins de notre industrie. L'idée est alors apparue de maîtriser et faire, sur terre, des réactions contrôlées de fusion nucléaire afin d'alimenter le monde en énergie.
Actuellement, les scientifiques réalisent, dans des réacteurs dits "Tokamak", des réactions de fusion nucléaire. "Tokamak" est le nom donné en 1969 au premier réacteur russe réalisé en forme d'anneau. Des travaux de recherche, coordonnés notamment dans le cadre EURATOM, ont permis une compréhension de phénomènes physiques qui interviennent dans les plasmas. Des expérimentations scientifiques sont développées aussi, soutenues par des financements internes, en Allemagne, France, au Royaume Uni, et en Asie: Chine, Corée, Inde, Japon. Aux Etats-Unis à l'université de Princeton le réacteur TFTR obtint, dès 1994, par fusion nucléaire une puissance de 10,7 MW. Au début des années 90 les conditions expérimentales, énergétique et de confinement, ont été bien identifiées, elles permettent de réaliser et contrôler ces réactions de fusion nucléaire.
La communauté scientifique mondiale s'est engagée en 2006 dans le programme ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) cofinancé par 7 membres: Chine, Corée, Etats-Unis, Union Européenne, Inde, Japon, Russie, avec un budget initial de 10 G€. ITER doit montrer "la faisabilité scientifique et technique de la fusion nucléaire comme nouvelle source d'énergie". Le site de Cadarache en France a été choisi pour accueillir et développer ce projet. Les chantiers de construction englobent un ensemble de 39 bâtiments sur 180 hectares. Le bâtiment contenant le Tokamak ITER et les tours de refroidissement aura une hauteur de 74 mètres. Le Réacteur doit produire une puissance de 500 millions de watts (500 MW) provenant de réactions de fusion nucléaire*. Des résultats sont attendus dès les années 2020.
La réaction de fusion
La réaction de fusion des noyaux d'hydrogène (Deutérium 12H et Tritium 13H) dans le plasma peut être écrite sous la forme:
12H + 13H " 14He + 01n
qui fait apparaître avec le symbole des atomes et des particules, le nombre de nucléons en exposant et le nombre de charge en indice inférieur.
L'énergie produite au cours de cette réaction est de 17,59 MeV. Elle est à 80% transportée par les neutrons produits et pour le reste par les noyaux d'hélium.
Chargés positivement, les noyaux d'hélium restent confinés dans le plasma et cèdent de l'énergie. Les neutrons étant électriquement neutres traversent le plasma et interagissent avec les parois du réacteur en cédant leur énergie. Ceci est réalisé par l'absorption des neutrons, en tapissant de lithium la paroi interne du réacteur. En absorbant un neutron, l'atome de lithium se désintègre en un atome d'hélium et un atome de tritium.
Les tours de refroidissement traitent cette énergie qui permet d'alimenter des turbines, pour être transformée en énergie électrique.
300 kg de matière première suffisent pour produire, par fusion nucléaire, l'énergie consommée en une année sur terre**.
Les "matières premières"
Le deutérium est utilisé couramment à des fins industrielles dans des processus d'analyse chimique, de frittage et de recuit de semi-conducteurs, par exemple. Il est obtenu par distillation de l'eau (30 mg par litre distillé).
Le tritium est produit par réaction nucléaire entre neutrons et atomes de lithium, l'alimentation du réacteur est ainsi continue lorsque la réaction de fusion est amorcée. Cette production est expérimentée dans le programme LTX à l'université de Princeton; ITER précisera ce processus avec réinjection du tritium dans le plasma, une autosuffisance en tritium est attendue pour l'alimentation du Tokamak.
Le tritium est très faiblement radioactif, il émet un rayonnement β-, de faible énergie et se désintègre rapidement en hélium, sa demi-vie est de 12,32 ans.
Le lithium est abondant dans la croûte terrestre.
La physique du neutron est bien avancée. La protection contre les neutrons se fait en les ralentissant, les matériaux hydrogénés sont utilisés. L'hydrogène est un bon ralentisseur, provenant du fait qu'un choc sur un corps de masse identique modifie l'énergie des neutrons en rendant équiprobables toutes les énergies comprises entre son énergie initiale et zéro.
Notons que la fermeture du "robinet" d'arrivée du deutérium permet d'arrêter le réacteur!
Réalisation des conditions de fusion, le Réacteur
Les conditions de température sont obtenues en utilisant les phénomènes physiques d'induction électromagnétique, d'injection de particules accélérées à grande vitesse et d'irradiation du plasma par des ondes de haute fréquence. Des températures de 150 millions de degrés sont atteintes. Le programme ITER permettra de préciser le choix des fréquences. En cours de fonctionnement une grande partie de ces énergies de "chauffage" sera apportée par les interactions des noyaux d'hélium produits dans le plasma. La puissance produite par un réacteur du futur est attendue 10 fois supérieure à la puissance qu'il reçoit.
La réalisation d'une réaction de fusion impose le contrôle du confinement du plasma au centre du réacteur. La zone de confinement en forme d'anneau est maintenue en appliquant des champs magnétiques dans le réacteur. Le programme ITER permettra de préciser cette contrainte liée à la localisation du plasma hors interaction avec les parois.
La fusion nucléaire pour le futur
Des applications technologiques et innovantes découleront de travaux de ITER en physique des plasmas dans des domaines aussi divers que l'électronique, la médecine, et jusqu'aux traitements des déchets. La généralisation de l'utilisation de l'énergie électrique, sans limitation, sans inconvénients environnementaux conduira à une mutation industrielle innovante.
Les responsables des pouvoirs politiques, économiques et financiers doivent préparer cette mutation et ne pas rester exclusivement sur le développement, demain, des questions de déchets, de radioactivité, de pollutions industrielles, d'économie de l'énergie. Ils doivent prendre conscience que l'innovation concerne les besoins du futur, des 20 prochaines années. Préparer à cette mutation c'est informer les consommateurs, former les lycéens, les étudiants, les chercheurs et les responsables économiques, et prévoir de nouveaux investissements industriels. Les politiques de développement des pays sont conditionnées par une recherche d'indépendance énergétique. Elles conduisent actuellement à mettre en fonctionnement sur terre, chaque semaine une nouvelle centrale thermique, chaque mois une nouvelle centrale de fission nucléaire Elles apportent ainsi la perspective d'un marché qui pourra concerner plus de 1000 nouvelles centrales de fission en 2035. La société ne peut pas accepter cette perspective, elle ne participera pas à ce marché.
La fusion nucléaire comme source d'énergie, aux cotés des éoliennes, des barrages, des panneaux photovoltaïques, peut apporter la fin des perspectives de conflits pour devenir un propriétaire de l'énergie. Les besoins sans cesse croissants des populations pour leurs conforts pourront être satisfaits en éliminant les énormes risques pouvant résulter de l'utilisation des sources d'énergie actuelles. La mondialisation peut apporter confort et prospérité avec un modèle économique nouveau, par une approche scientifique des systèmes industriels pour une société prospective et innovante.
Références
Site Web: www.ITER.org
EURATOM (programme pour la communauté européenne de l'énergie atomique).
Des ordres de grandeurs: 1 GW = 1 000 MW = 1 000 000 kW = 1 000 000 000 W.
* Eolienne "offshore": puissance de l'ordre de 6 MW, énergie fournie: 20 MkWh/an.
* Centrale hydraulique: puissances de 50 à 1500 MW, production en France de 9,4% de l'énergie (42 GkWh ).
* Puissance installée en France: 96 GW, dont 63 d'origine fission nucléaire (58 réacteurs) et 20 GW hydraulique).
Consommation en matières premières
** Centrale thermique (charbon: 3 millions de tonnes par an)
** Centrale à fission nucléaire (uranium: 200 tonnes par an)
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